Nouveautés Novembre ’23

Chéribibi revient avec un #13 qui s’est fait attendre deux ans… mais ça vaut toujours autant le coup ! Ce fanzine phare continue depuis plus de 30 ans de brillamment distiller la culture populaire (musique, cinéma, littérature, …) et de nous servir des généreuses causeries, de copieux articles et d’abondantes illustrations et photos. On peut entre autres y savourer les interviews de Glen Matlock (premier bassiste des Sex Pistols), de Ken Loach (cinéaste britannique de la classe ouvrière), de Christina Lindberg (actrice suédoise des 70’s), de The Twinkle Brothers (reggaemen jamaïcains), de Maryam Ashrafi et Mylène Sauloy (photographe iranienne et documentariste française ayant documenté la culture et les luttes révolutionnaires kurdes), etc. On y déguste également des chroniques de disques, de livres et de fanzines, une bédé courte mais drôle (« Bourguignon Gothique »), un roman-photo-entretien avec le gang de marionnettes hip-hop Puppetmastaz, un article sur le Horror Reggae et moultes autres surprises… Assurément une publication de passionné·es qui parviendra sans nul doute à vous passionner.

Encore quelques livres sortis chez Nada, maison d’édition montreuilloise que j’affectionne : deux classiques de Pierre Kropotkine (1842-1921), géographe, explorateur, militant et théoricien libertaire et un ouvrage (beaucoup) plus léger de David Snug, auteur de bande dessinée à l’humour absurde mais désopilant, qui a notamment publié l’excellent Ni web ni master (voir dans les Nouveautés Juin ’22).

  • La Conquête du pain, Pierre Kropotkine : Ouvrage majeur de la pensée libertaire publié pour la première fois en 1892, « l’auteur y explique simplement les mécanismes complexes de l’exploitation capitaliste (division du travail, salariat, profit, propriété privée, etc.), il donne aussi des pistes pragmatiques pour imaginer une organisation économique communiste et antiautoritaire.
    En s’inspirant de la Commune de Paris de 1871 et de ses principes d’entraide, il fait de la municipalité libre le socle du nouvel ordre social. Progrès technique et satisfaction des besoins, rapport de la ville aux flux mondialisés, sens et organisation du travail sont autant de sujets cruciaux abordés dans ce livre, qui demeure une référence indispensable pour critiquer notre société et imaginer un autre futur, plus désirable, plus solidaire, plus libre. »
  • L’Entraide, Un facteur de l’évolution, Pierre Kropotkine : Dans cet ouvrage écrit en 1902, Kropotkine y expose « les fondements naturels du communisme anarchiste tout en combattant farouchement le darwinisme social, idéologie scientifique du capitalisme. L’auteur s’y distingue aussi par ses intuitions pionnières : une vision écologique avant l’heure des rapports entre l’être humain et son milieu, une reconsidération des peuples autochtones, une réhabilitation des institutions médiévales et l’élaboration d’une historiographie par en bas.
    Face au chacun pour soi et à la compétition, ce texte de philosophie sociale, d’une troublante actualité, nous rappelle que la solidarité est le meilleur chemin vers l’émancipation de toutes et tous. »

  • La lutte pas très classe, David Snug : Dans ce petit livre très drôle, l’auteur reprend à son compte les slogans « Le féminisme sans lutte des classes c’est du développement personnel » et « L’écologie sans lutte des classes c’est du jardinage » et compose en une soixantaine de dessins, des slogans humoristiques (mais tellement percutants) du même ton, car « l’analyse politique sans lutte des classes, c’est de la propagande réactionnaire ».
    « Maître dans l’art de la punchline, du détournement et de la mauvaise foi, David Snug pointe les travers de notre époque, épingle les puissants, les politiques, les stars de l’industrie culturelle et des médias, et dénonce les conformismes et le militantisme de façade (greenwashing, flexitarisme, etc.).
    Dans la veine situationniste, cette compilation de gags groucho-marxistes bouscule les consciences et questionne la notion d’engagement, sans oublier l’essentiel, nous faire rire ! »

Et une nouvelle fournée de livres des éditions Cambourakis : deux bédés et trois romans anglosaxons.

  • Baby Blue, Bim Eriksson : « Betty, une jeune fille de vingt-trois ans, vit dans un pays où l’État prend des mesures drastiques pour prévenir l’effondrement de l’économie nationale qui pourrait advenir si les maladies mentales et les burn-out ne cessaient de se multiplier. Sujette à la dépression, elle se voit envoyée dans une de ces usines de santé créées pour traiter le vague à l’âme des citoyens et développer des esprits plus compatibles avec un objectif productiviste. Elle y rencontre une mystérieuse jeune femme qui lui fait découvrir des modes de vie alternatifs et la possibilité d’une résistance. Dès lors, toutes les certitudes de Betty volent en éclats. »

  • Vanille ou chocolat ?, Jason Shiga : « Œuvre hors norme, défiant nos habitudes de lecture, Vanille ou chocolat ? pousse à l’extrême l’idée du « livre dont vous êtes le héros ». Le lecteur suit les pas – et les choix – du petit Jimmy, confronté à un banal dilemme initial : quel parfum choisir pour sa glace, vanille ou chocolat ? Cette décision précipite un ensemble de conséquences des plus inattendues, qui peuvent aller jusqu’à la pure et simple fin du monde. (…) Au final, Vanille ou chocolat ? présente 3856 possibilités d’histoires – un record absolu.
    L’objet est constitué de 80 pages dotées de un à trois onglets, à travers lesquelles on circule en suivant un réseau de « tubes » colorés reliant les cases entre elles : le dispositif interdit tout parcours linéaire. Des codes secrets viennent encore corser l’affaire… »

  • La Contrée Immobile, Tom Drury : « La vie semble s’écouler plus lentement qu’ailleurs dans la petite ville de Shale, comme si l’exception géologique qui modèle cette région du Midwest, un territoire sauvage et accidenté, épargné par l’érosion glaciaire, avait durablement figé le temps. Une série d’évènements étranges, de rencontres plus ou moins fortuites et heureuses, va cependant secouer le destin de Pierre Hunter, un jeune barman simple et charmant, appliqué à passer à côté de sa vie avec indolence. (…)
    Tom Drury brouille les pistes et les genres, mais conserve jusqu’au bout le ton d’une comédie douce amère. Dialoguiste hors pair, il porte sur ses personnages un regard bienveillant, accueillant leur excentricité comme la plus naturelle des choses. La Contrée immobile est un cocktail au goût inédit, qui marie humour, fantasmagorie et noirceur. C’est un conte de fée tordu comme un rêve, une romance tragique, une histoire de fantômes et de vengeance qui hante durablement. »
  • Strass et Paillettes, Souvenir, Don Carpenter : « Don Carpenter quitte la grisaille de Portland – la couleur de son inoubliable premier roman, Sale temps pour les braves – pour le smog et la chaleur de plomb, le strass et les paillettes sixties de Los Angeles. Fruit de l’expérience amère de l’auteur, scénariste dans les coulisses de l’industrie cinématographique, ce tendre souvenir rejoue les scènes, intensément réalistes, d’une nuit d’ivresse hollywoodienne – Sunset Boulevard, à la fin de l’été brûlant de 1968, avant les émeutes de Chicago, après le Summer of Love.
    Une échappée belle – teintée de nostalgie – électrisée par le charisme d’une star de série B aux faux airs de James Dean, et ponctuée par un vrai baiser de cinéma. »
  • Mais qui a tué Harry ?, Jack Trevor Story : « Le problème avec Harry, c’est son cadavre étendu sous les fougères du vert paradis de la petite communauté très british de Sparrowswick… Une lande bruissante de gazouillis, un endroit où vivre et mourir, un nid d’amour où flirter le temps d’un été, une pelle à la main, un mort sur les bras… Plusieurs fois découvert, caché, enterré, exhumé au cours d’une journée, le mort aux chaussettes rouges sera le révélateur des élans secrets des villageois, chacun ayant de bonnes raisons d’être soupçonné. Caustique, enlevé, diablement efficace, ce mystère en plein air est aussi un délicieux vaudeville à l’anglaise, où gags et rebondissements se succèdent jusqu’à l’astucieux dénouement. » Ce roman loufoque paru en 1949 évoque aussi bien l’humour burlesque des Monty Python que la noirceur du maître du suspens Alfred Hitchcock (qui a adapté ce récit au cinéma en 1955).

Publié aux éditions Les Étaques, Fond d’œil de Caroline Cranskens est un livre de poésie contemporaine, rageuse et libre… elle y « décrit un monde qui s’éteint. Au travers de visions fantastiques où toutes les couleurs explosent et disparaissent dans le noir. Dans la veine des triptyques de Jérôme Bosch, de l’art de rue et du spoken word, cette écriture ouverte au regard remue les entrailles et érafle les murs. Au-delà du geste esthétique et politique, c’est un cri primal de femme qui tonne.
Caroline Cranskens creuse le socle déjà fendu du langage du pouvoir et de l’ordre, masculin et sécuritaire, souvent prompt à nous retirer les mots de la bouche. A nous déposséder, en somme, de nos armes, de nos mots, de notre manière de dire le monde. Écrire est alors une confrontation vitale à la langue, à ses lois et à ses gêoliers. Écrire est une course d’obstacles. D’abord « arracher les barreaux d’un langage formaté ». Dévisser les « mots morts ». Ensuite se réapproprier les sons et les lettres. Laisser vivre enfin, une langue viscérale, une langue rasoir, une langue barbare. »

Dans Agir ici et maintenant, Penser l’écologie sociale de Murray Bookchin, paru aux Éditions du commun, Floréal M. Romero « dresse le portrait du fondateur de l’écologie sociale et du municipalisme libertaire. Il retrace son histoire, son cheminement critique et politique. De l’Espagne au Rojava, en passant par le Chiapas, l’auteur propose, à partir d’exemples concrets, des manières d’élaborer la convergence des luttes et des alternatives pour faire germer un nouvel imaginaire comme puissance anonyme et collective.
Essai autant que manifeste, ce livre est une analyse personnelle et singulière de la pensée de Bookchin qui trouve une résonance bien au-delà de l’expérience de l’auteur. Il apporte des conseils pratiques pour sortir du capitalisme et ne pas se résigner face à l’effondrement qui vient. »

L’empaillé, toujours fidèle au poste chaque trimestre, sort son #11. Le dernier numéro avant celui de janvier qui verra son tirage plus que doublé et qui partira à l’assaut du grand Sud-Ouest, des Pyrénées-Atlantiques au Puy-de-Dôme en passant par la Gironde, la Haute-Vienne, etc. Pour soutenir cette initiative, on peut faire un don ici. On peut également s’abonner . Et en attendant, voici un extrait de l’édito de ce numéro : « Terre et liberté, la revendication de tous les peuples qui luttent pour un avenir démocratiquement choisi, débarrassé des occupants ou des intégristes, des despotes ou des profiteurs. Un mot d’ordre qui résonne avec toutes les mobilisations qui essayent de décider collectivement de la réappropriation des moyens de subsistance et de production. Toutes ces joies, ces révoltes et ces peines, toutes ces aspirations qui s’expriment dans nos pages s’ajoutent avec toutes celles et ceux qui, de Gaza à Tel-Aviv, de Kobané à Téhéran, tentent de faire tomber les murs quels qu’ils soient. »

Le #4 du « canard pas laquais » Torba vient de sortir, avec une couverture qui me plaît beaucoup ! On trouvera dans ce journal toulousain irrégulomadaire à la mise en page soignée : un retour sur le mouvement contre la réforme des retraites, un entretien avec trois jeunes du quartier du Mirail au sujet des émeutes de 2018, une réflexion sur la violence et le sport, une rapide histoire des piqueteros argentins dans les 90’s, un article sur l’extraction du lithium au portugal, de multiples brèves, un horoscope et même des mots croisés !

Vulvet Underground #5 est sorti cette année, en fin d’été. Ce fanzine féministe est sérigraphié et imprimé en risographie dans la Drôme et est fourni avec un poster bien chouette… On y lit entre autres : le témoignage de Manue, qui a subi des discriminations sexistes bien hardcore lors de sa formation de guide de moyenne montagne, une réflexion sur le terme, l’identité, et les pratiques « queer », une recension du livre La vie têtue de Juliette Rousseau, des textes persos, de la poésie et de très belles illustrations, qui feraient parfois de bonnes affiches coup de poing.

Encore un nouveau Up The Zines et Jeff nous prévient qu’il va retrouver une cadence bisannuelle, ce qui n’est pas pour me déplaire ! Dans ce #23, il y chronique ving-cinq fanzines différents (dont certains que l’on peut trouver sur les tables de la BIM) et il interview Franck (B.R.A de Bordeaux), Giz (Cheap Toys de Marseille) et Dan (Kérosène de Nancy). Toujours aussi intéressant, sans doute une des meilleures publications pour se plonger dans le monde parfois obscur du fanzinat, et faire plein de découvertes.

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