Deux nouvelles publications chez Ici-bas, maison d’édition collective toulousaine de très grande qualité ayant entre autres publié Destin de Ötto Nückel (un roman graphique prolétarien très sombre de 1926 constitué de 200 gravures sur plomb), Pente Raide de Marvic (le récit de voyage et de reconstruction d’une femme suite à un viol), Nos corps, nos guerres de Pole Ka (un roman graphique sans parole empreint de symboliques féministes fortes) et Le travailleur de l’extrême de Äke Anställning (le récit tragico-comique d’un travailleur précaire adepte du sabotage de petits boulots). Ces publications sont toutes disponibles sur les tables de la BIM :
- Et l’île s’embrasa, John Vasquez Mejías : « Un pan méconnu de l’histoire anticoloniale du continent américain. Dans les années 1950, aux Antilles, une île occupée par la puissance étasunienne s’embrasa pour réclamer son indépendance. Une insurrection armée tenta d’y renverser le joug colonial qui sévissait depuis un demi-siècle, puis chercha à blesser l’empire en son cœur en commanditant l’assassinat du président des Etats-Unis, Harry Truman. Cette île a un nom – Porto Rico – et c’est son histoire largement méconnue que ce roman graphique raconte. »
Ce premier livre de John Vasquez Mejías est entièrement gravé sur bois. À la frontière entre le roman graphique indépendant actuel et le roman en gravures d’une autre époque, c’est un travail incroyablement dense et précis de composition et de lettrage, à la narration documentaire explosive.
- Nûdem Durak, Sur la terre du Kurdistan, Joseph Andras : « Un livre-combat pour la liberté du peuple kurde. En 2015, la chanteuse Nûdem Durak a 22 ans lorsqu’elle est condamnée à dix-neuf ans de réclusion par le régime turc. Son crime ? Avoir défendu, par sa musique, la lutte et la culture de son peuple – kurde. À ce jour, faussement accusée d’être membre d’une prétendue « organisation terroriste », elle est toujours enfermée. Nûdem Durak est condamnée à rester en prison jusqu’en 2034 : à travers elle s’exprime la lutte de tout un peuple pour sa liberté.
Joseph Andras poursuit, cinq ans après Kanaky (Actes Sud), son travail d’enquête littéraire : dans un récit incarné, sensible et documenté, fruit de quatre ans de recherche, il reconstitue, à travers la vie de la jeune artiste, l’histoire d’une injustice individuelle et collective. Un récit internationaliste, composé aux côtés de la détenue, comme un vibrant appel à la solidarité pour tous les prisonniers politiques. »
La frangine un tantinet plus rock’n roll des éditions Ici-bas s’appelle Demain les flammes, et elle publie notamment des traductions du fanzine Cometbus (créé il y a plus de quarante ans par Aaron Elliott (dit Aaron Cometbus), « l’écrivain inconnu le plus connu d’Amérique »). L’Esprit de Saint-Louis, ou comment avoir le coeur brisé, une tragédie en ving-quatre actes raconte, dans un style proche de ce qu’on avait pu lire dans Double Duce, « l’histoire d’un échec, d’un échec déguisé en succès, de déconvenues totales, de succès qui tournent au fiasco à la dernière minute. Par l’entremise de l’odyssée d’une bande de punks que rien n’arrête, ni les flammes, ni la vieillesse, ni les défections, on y découvrira comment la vie peut devenir un cauchemar ou une farce, et comment cela peut arriver sans crier gare et malgré nos bonnes intentions. » Encore un bijou de la littérature punk !
Dans un tout autre style, deux autres bijoux, ceux-là sortis chez Cambourakis :
- Kobané Calling, Zerocalcare : « Un reportage poignant issu du voyage de Zerocalcare à Kobané, de sa rencontre avec l’armée des femmes kurdes et les résistants en lutte contre l’avancée de Daech.
De Rome au Rojava en passant par la Turquie, la Syrie et l’Irak, ce témoignage nécessaire, plein de justesse et d’humour, s’efforce de retranscrire la complexité et les contradictions d’une guerre si souvent simplifiée par les médias et les responsables politiques. Et il interroge le sort des volontaires internationaux venus y combattre aux côtés des Kurdes : ceux qui sont morts sur place comme ceux qui sont rentrés dans leur pays. » Un roman graphique à lire ab-so-lu-ment pour mieux comprendre ce qui se joue dans cette partie du globe qui vit malheureusement encore des conflits constants.
- Ne suis-je pas une femme ?, bell hooks : « Telle est la question que Sojourner Truth, ancienne esclave, lança en 1851 lors d’un discours célèbre, interpellant féministes et abolitionnistes sur les diverses oppressions subies par les femmes noires : oppressions de classe, de race, de sexe.
Héritière de ce geste, bell hooks décrit dans ce livre paru en 1981 aux États-Unis les processus de marginalisation des femmes noires. Elle livre une critique sans concession des féminismes blancs, des mouvements noirs de libération, et de leur difficulté à prendre en compte les oppressions croisées.
Un livre majeur du « Black Feminism », un outil nécessaire pour tou·te·s à l’heure où, en France, une nouvelle génération d’Afroféministes prend la parole. »
Plusieurs nouvelles acquisitions chez Lux éditeur, maison d’édition québécoise qui publie depuis presque 30 ans des textes de réflexion politique d’inspiration libertaire :
- Panique à l’université, Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires, Francis Dupuis-Déri : « Plusieurs poussent des cris affolés à propos d’une Université soi-disant assiégée par les féministes et les antiracistes, qui menaceraient jusqu’à l’ensemble de la société au nom de la «rectitude politique». Pour stimuler la panique collective, on agite des épouvantails – social justice warriors, islamo-gauchistes, wokes, gender studies – et on évoque les pires violences de l’histoire: chasse aux sorcières, lynchage, totalitarisme, extermination. Même des chefs d’État montent au front. Or, cette agitation repose non seulement sur des exagérations et des mensonges, mais elle relève d’une manipulation qui enferme l’esprit et entrave la curiosité intellectuelle, la liberté universitaire et le développement des savoirs.
Pour y voir plus clair, cet essai s’intéresse à l’histoire ancienne et récente de l’Université. Il appelle à considérer la place réelle des études sur le genre et le racisme dans les réseaux universitaires – des salles de classe aux projets de recherche –, et met en lumière les forces qui mènent la charge aux États-Unis, en France et au Québec. Ultimement, il s’agit d’un exercice de déconstruction d’une propagande réactionnaire. »
- T’as pas trouvé pire comme boulot ? Chronique d’un travailleur en maison de retraite, Nicolas Rouillé : L’auteur (qui avait auparavant écrit Le Samovar sorti chez Demain les flammes, un roman sur un jeune homme qui découvre l’univers des squats) se fait embaucher sans aucune expérience en tant qu’ASH (Agent des Services Hospitaliers) dans une maison de retraite. Fin observateur et soucieux du moindre détail, il en a tiré des chroniques qui sont parues de 2020 à 2022 dans le journal de critique et d’expérimentations sociales basé à Marseille CQFD. Elles sont ici compilées et nous livrent « le récit du quotidien d’une maison de retraite dans toute sa banalité, ses extravagances et ses souffrances. C’est surtout la chronique d’une institution où le manque structurel de moyens met à mal le travail des soignantes pour une fin de vie digne des aîné·es. » Des anecdotes parfois drôles mais surtout dramatiques sur ce que vivent, souvent dans l’indifférence la plus totale, les résident·es des EHPAD. Et on a envie de pleurer lorsqu’on lit qu’une dame demande à l’auteur : « Pouvez-vous me dire pourquoi je suis ici ? J’ai beau chercher, je ne vois pas ce que j’ai bien pu faire de mal. »
- 1312 raisons d’abolir la police : Gwenola Ricordeau, professeure associée en justice criminelle à la California State University, a compilé et commenté dans cet ouvrage les textes de plus d’une quinzaine de voix abolitionnistes différentes, « avec toutes ses nuances et hors des clichés réducteurs. » « D’où vient l’idée d’abolir la police et que recouvre-t-elle au juste ? Si la police ne nous protège pas, à quoi sert-elle ? Comment dépasser la simple critique de la police pour enfin en finir avec elle ? 1312 raisons d’abolir la police tente de répondre à ces questions, et propose de riches réflexions critiques sur les liens entre l’abolitionnisme pénal et la race, le handicap ou le travail sexuel notamment. L’ouvrage porte également sur les mobilisations contemporaines pour l’abolition de la police en Amérique du Nord, en retraçant leur généalogie et en explorant leurs propositions stratégiques, leurs expériences et les débats qui les traversent. » De quoi affûter notre argumentaire face aux personnes encore capables en 2023 de défendre cette institution voire de tenir des discours réformistes à son sujet… Une pensée pour Nahel et tous les autres.
- Manifeste de l’anarchie, Anselme Bellegarigue : « Paris, avril 1850. Un jeune homme fait paraître ce qui peut être considéré comme le premier manifeste anarchiste de l’histoire. Publié dans le premier numéro de L’Anarchie. Journal de l’ordre, ce Manifeste constitue un virulent plaidoyer contre la farce électorale, la fourberie des partis politiques, ainsi qu’un vibrant appel à l’abstention généralisée.
On sait peu de choses du singulier personnage que fut Anselme Bellegarrigue (1813-1869), sinon qu’il a été l’un des observateurs les plus lucides des lendemains de la révolution de 1848 et qu’il a su voir que les pouvoirs du peuple risquaient d’être accaparés par ses représentants.
Mais ce qui caractérise Bellegarrigue et le rend si actuel, c’est sans l’ombre d’un doute sa défense acharnée de la liberté. »
- L’anarchisme, une histoire des idées et mouvements libertaires, George Woodcock : « Écrit dans les années 1960, puis revu et augmenté en 1989, ce livre monumental offre le récit de l’une des plus grandes aventures des XIXe et XXe siècles, celle de l’anarchie. Woodcock y raconte le mouvement, ses victoires, ses défaites, mais il y expose surtout les idées des principales figures qui ont façonné la pensée libertaire, de William Godwin à Emma Goldman. Au-delà de l’engagement intellectuel, politique et moral de ces personnages historiques plus grands que nature, L’anarchisme brosse un portrait vivant de leur combat et des profonds idéaux de liberté qui n’ont jamais cessé de les animer.
Considéré aujourd’hui comme un classique de l’histoire de l’anarchisme, cet ouvrage étoffé expose les perspectives d’une aspiration partagée aujourd’hui par un nombre toujours grandissant de personnes éprises de justice et d’autonomie. »
- L’ivresse des communards, prophylaxie antialcoolique et discours de classe (1871-1914), Mathieu Léonard : « La légende noire d’une Commune grise semble avoir vécu. Or, en décembre 1871, l’Académie de médecine n’hésitait pas à qualifier l’insurrection de «monstrueux accès d’alcoolisme aigu». En réalité, à la fin du XIXe siècle, on observe le discours réactionnaire se draper d’oripeaux scientistes amalgamant prolétariat, socialisme, maladie mentale et ivresse en une repoussante allégorie de la révolution.
Cette étude part d’une minutieuse archéologie du mythe de l’ivrognerie des communards dans la littérature versaillaise et médicale. Elle décrit aussi comment, au lendemain de l’insurrection, l’hygiénisme s’investit d’une véritable mission sanitaire contre le «fléau de l’alcool» dont il faut détourner les classes dangereuses afin de régénérer la nation.
Au cœur de cette vision du monde se diffuse l’obsession de la dégénérescence, qui prépare le terrain à l’eugénisme, et laissera, contre toute attente, ses scories jusque dans l’anarcho-individualisme et le néomalthusianisme. »
Quelques livres de la maison d’édition lyonnaise Atelier de Création Libertaire qui fêtera l’an prochain ses 45 ans :
- Dictionnaire anarchiste des enfants, Jorge Enkis & Collectif Emma Goldman : Un dictionnaire illustré destiné aux jeunes esprits rebelles de 9 ans et plus, et qui permet aux enfants (et aux adultes) de développer leur « pensée critique à travers des définitions, des comparaisons et des métaphores sur les idées et les valeurs portées dans le monde merveilleux de l’anarchisme. »
- Qu’est-ce que l’écologie sociale ?, Murray Bookchin : Traduction du premier chapitre d’un ouvrage paru en 1982 (The Ecology of Freedom : the Emergence and Dissolution of Hierarchy), Murray Bookchin y étudie les origines de la hiérarchie et de la domination comme liées aux désastres écologiques. « La domination qu’exercent les riches sur les pauvres, les hommes sur les femmes, les vieux sur les jeunes, se prolonge dans la domination que les sociétés fondées sur la hiérarchie exercent sur leur environnement. Et de même que ces relations de domination aliènent les personnes – c’est-à-dire détruisent ou réduisent leur potentialité humaine –, de même ces sociétés hiérarchiques détruisent la nature. Mener une politique écologique appelle donc une mutation des rapports politiques au sein de la société : « protéger la nature » suppose l’émancipation sociale. »
- Notre environnement synthétique, la naissance de l’écologie politique, Murray Bookchin : Paru en 1962, ce livre passe en revue « les causes de la très rapide détérioration de l’environnement naturel outre-Atlantique, conséquence de l’accélération du développement du capitalisme après la Seconde Guerre mondiale qui bouleversera de nombreux aspects de la vie quotidienne des personnes qui en avaient été jusque là relativement préservées. C’est un texte fondamental pour l’écologie politique, d’une remarquable lucidité sur les désastres écologiques qui s’annonçaient tout en s’efforçant de présenter une voie pour éviter le pire. »
- Quelle écologie radicale ? Écologie sociale et écologie profonde en débat, Murray Bookchin & Dave Foreman : Ce livre est la retrancription commentée d’une discussion qui a eu lieu en 1989 entre deux théoriciens d’une certaine écologie radicale aux points de vue opposés. Bookchin, le défenseur de l’écologie sociale (s’appuyant sur les luttes sociales pour essayer de définir une pratique en accord avec la survie de la planète) et Foreman, le créateur du mouvement Earth First! (qui part d’une sauvegarde systématique des espaces naturels pour ensuite aller vers une démarche sociale) y recherchent des points de convergences entre ces deux formes d’engagement, entre autres le rejet de l’environnementalisme (qui cherche à accompagner la société actuelle). « Car, au final, l’objectif était, et reste aujourd’hui, de dégager un terrain d’action commun qui puisse renforcer le mouvement d’écologie radicale dans son ensemble et le mettre ainsi à la hauteur du défi posé par le changement climatique. »
- La pensée sociale d’Élisée Reclus, géographe anarchiste, John P. Clark : Il s’agit d’une introduction de John P. Clark à un recueil d’écrits d’Élisée Reclus publié aux États-Unis. « Tout d’abord, la Terre est tenue en l’air, tel un objet sacramentel. Elle est présentée comme un objet de crainte révérentielle, de vénération, d’amour profond et de respect. D’autre part, et peut-être de manière plus évidente au premier regard, l’image représente la Terre « entre les mains » d’une humanité personnifiée. Elle indique ainsi notre responsabilité dans le destin de la Terre, et dans la nécessaire réalisation d’une conscience unifiée, exprimée dans l’image de l’humanité. Ces deux aspects de l’image rendent très bien compte des deux pôles imaginaires de la pensée de Reclus : l’imaginaire écologique, enraciné dans sa géographie sociale, et l’imaginaire anarchiste qui est ancré dans sa vision politique. Dans les deux cas, nous sommes exhortés à développer un respect, une révérence et un amour plus profonds pour tout ce qui a été objectivé comme « l’autre ». »
- Les Lazaréennes, Joseph Déjacque : « À l’époque de Proudhon, Marx et Hugo, un jeune ouvrier-poète parisien du nom de Joseph Déjacque (1821-1865) fulgure en l’espace de dix ans à peine. Il subit la répression de 1848 et part en exil après 1851. Il devient anarchiste entre Londres et New York, 1852 et 1854. Mais c’est à La Nouvelle-Orléans, entre 1855 et 1858, que sa colère politique atteint des sommets. Déjacque y publie, pour quatre souscripteurs à peine, ses poèmes les plus puissants : les Lazaréennes (1857). Ils varient entre l’ivresse amoureuse et le dépit amer, la critique transversale du capitalisme et les appels à la vengeance révolutionnaire. Le chant de la fauvette alterne avec celui des « damnés », la tendresse avec la furie. »
Continuons de nous intéresser au catalogue des éditions Libertalia avec :
- Tout pour tous ! L’expérience zapatiste, une alternative concrète au capitalisme, Guillaume Goutte : « Le 1er janvier 1994, en s’emparant, armes à la main, de plusieurs grandes villes de l’État du Chiapas, dans le sud du Mexique, les rebelles zapatistes ont donné à voir aux sociétés civiles nationale et internationale la réalité cruelle dans laquelle vivent des centaines de milliers d’Indiens mexicains. Réclamant la reconnaissance de leurs droits et de leur identité, ils ont remis sur le devant de la scène l’un des aspects souvent oubliés de la mondialisation : l’écrasement des peuples indigènes par la machine capitaliste.
Si les médias n’ont retenu de ces rebelles que les passe- montagnes et les fusils, c’est pour mieux occulter la société authentiquement révolutionnaire que ces dizaines de milliers d’Indiens construisent depuis maintenant plus de vingt ans dans les territoires qu’ils ont libérés.
Ce livre entend donner un aperçu des réalisations concrètes de leur projet. »
- Hommage au Rojava, Les combattants internationalistes témoignent : « Ce livre collectif, premier du genre, regroupe les témoignages écrits par dix-neuf combattants et trois combattantes internationalistes ayant participé, au Rojava (Kurdistan syrien), à la guerre contre Daech ou l’armée turque. Les unités YPG/YPJ représentent l’armée des Kurdes syriens. Elles se battent pour un projet révolutionnaire fondé sur la commune, le socialisme, l’égalité entre les femmes et les hommes, la laïcité ainsi que l’égalité entre groupes ethniques et religieux. »
- Manuel du guérillero urbain, Carlos Marighela : « Il y a quarante ans, en juin 1969, le militant communiste brésilien Carlos Marighela rédigea le Manuel du guérillero urbain. Convaincu que seule l’action armée pourrait mettre fin à la dictature militaire au pouvoir depuis le coup d’État de 1964, il livra dans cet opuscule nombre de conseils pratiques à l’attention des ouvriers et étudiants révolutionnaires de son pays. Abattu en novembre 1969, il a payé de sa vie son engagement dans la guérilla urbaine.
Ce texte est un document politique important. Il contredit la théorie du « foco », donc du foyer révolutionnaire en milieu rural, conceptualisée par Che Guevara et Régis Debray. Il illustre une certaine vision de la période post-68 et s’inscrit dans un contexte particulier : celui de la radicalisation de certaines franges de la gauche à l’heure de la dénonciation de l’impérialisme et des luttes tiers-mondistes, celui des « années de plomb » et de la lutte armée en Italie, en Allemagne, en Irlande, mais aussi au Proche-Orient et en Amérique du Sud.
Interdit par le ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin lors de sa première publication en France sous le titre Pour la libération du Brésil, il fut immédiatement réédité par un collectif de 23 éditeurs (Flammarion, Robert Laffont, Minuit, Maspero, Gallimard, Grasset, etc.).
Dans une longue préface, le sociologue Mathieu Rigouste (auteur de L’Ennemi intérieur, La Découverte, 2009) démontre que le texte a eu une circulation paradoxale : il a en effet inspiré les théoriciens de la contre-guérilla à l’initiative du plan Condor. L’histoire éditoriale saisissante de cet ouvrage est développée en postface. »
I wanna be loved (by you), Agnès Des Pouilles : « Cet ouvrage n’est pas seulement un roman autobiographique, c’est aussi le témoignage d’une époque, celle des premiers punks en France durant les glorieuses eighties. Sex, drug and rock’n’roll agrémenté d’une dose de violence.
Mais au-delà de ça, de la créativité grâce au Do It Yourself, tout devient possible dans cette France des années 80.
Même si certains n’ont connu que le mitterrandisme, l’enfance passée, nous, jeunes révoltés, enfants sauvages de la jungle urbaine, nous options pour une esthétique nihiliste, provocateurs jusqu’au-boutistes, authentiques, rebelles d’une société que nous n’avions pas choisie et à laquelle nous ne voulions pas appartenir ! »
Le récit, dans la déglingue tumultueuse des eighties, de Nina jeune punk toulousaine « qui ne badine pas avec la liberté, l’égalité et la fraternité, qui préfère une vie choisie de junkie sur le trottoir de la dépravation plutôt qu’une vie de soumission dans le confort toxique d’un avenir déprimant. »
Disjoncté·es parle de violences traumatiques. Ce fanzine est avant tout un espace d’expression, un partage de témoignages, une manière de se sentir moins seul·e. Les auteurices le présentent ainsi : « Nous avons choisi de parler des mécanismes de survie face aux événements traumatiques et de leurs conséquences. Un sacré truc qu’il nous a été essentiel de comprendre pour pouvoir avancer. Avec cet écrit, nous vous faisons part de ce que l’on a compris, de ce que ça veut dire au quotidien de devoir gérer le sentiment de culpabilité, les émotions débordantes et lutter pour se sentir légitime ! L’objectif est de se faire du bien ! »
Au menu de ces cinq nouveaux numéros de la revue Ingrédient (éditée par l’association marseillaise Le Bouillon de Noailles) : « Rue de l’Arc », « En chantier », « Destination papilles », « Sésame ! » et le tout nouveau #14 « À l’ombre » qui se passe au sein de l’EPM (Établissement Pénitentiaire pour Mineurs) de La Valentine. L’équipe de cette revue gourmande donne la parole aux gentes qui veulent bien nous raconter des histoires de cuisine. Et ça passe souvent par des recettes alléchantes évoquant la riche diversité culturelle des quartiers marseillais.
Petit Cri est une revue indépendante de cinéma joliment bricolée par le Collectif Lou Pac à Toulouse. « Lou Pac est une occasion, celle de porter un regard sur la production à une échelle locale, la créativité à peu de frais, les artisanats méconnus gravitant autour du cinéma ou que le cinéma permet de découvrir. » Et voici le #3 et le #4 dont Lou Pac dit qu’il est « la concrétisation d’un rêve de potes : arriver à créer ensemble et se projeter au même endroit. Si c’est pas beau. »
Si, c’est beau : une bien chouette mise en page rythmée par des collages et quelque fois des textes écrits à la main… et puis c’est intéressant, on peut y lire : le compte-rendu de la production dvd d’un docu amateur, de nombreuses critiques de films de haute volée, un entretien avec des personnes s’occupant d’un cinéma et espace de création à Toulouse (La Forêt Électrique), une retranscription de l’interview d’un cinéaste qui ne veut pas parler de cinéma (Richard Linklater)… un fanzine ambitieux de passionné·es qui, je l’espère, « fera long feu » !
Jeanne Van Monckhoven est une illustratrice et plasticienne vivant dans la Drôme. Elle a imaginé et créé le fanzine Scum Bag durant le confinement de novembre 2020. Il est composé d’une cinquantaine de magnifiques illustrations originales sur le quotidien, truffées d’animaux sauvages, d’échanges de textos, de songes et d’actualité politique.